«Créer la ville. Rituels territorialisés d’inclusion des différences»: nouvelle publication de Fiorenza Gamba, Sandro Cattacin et Bob White

L’équipe du LABRRI souhaite porter à votre attention la publication de Créer la ville. Rituels territorialisés d’inclusion des différences, ouvrage publié aux PUM et dirigé par Fiorenza Gamba (U. Genève), Sandro Cattacin (U. Genève) et Bob White (U. Montréal). Nous y soulignons aussi la contribution de trois étudiantes du LABRRI, Dalila Vasconcellos (doctorante), Rachel Boivin-Martin (maîtrise) et Isabelle Comtois (doctorante), qui contribuent significativement à la description des rituels observés à Montréal à travers les trois études de cas présentés dans l’ouvrage: respectivement, Les Tam-tams, Vous faites partie de l’histoire!, et Le Gala des Nouveau-Nés.

La thèse principale de cette étude est que les pratiques rituelles en milieu urbain – anciennes et récentes – peuvent favoriser l’inclusion si l’on met l’accent sur leur aspect transformateur et leur convivialité, des éléments nécessaires pour l’avenir des villes. Pour démontrer cette thèse, nous avons analysé et comparé huit rituels urbains (à Genève, à Montréal et à Turin). Le livre s’achève sur dix recommandations aux responsables des politiques urbaines.

 

Le discours sur la migration et «l’intégration» privilégie encore la perspective du rôle de l’État. Qu’importent les exigences d’efficacité des mesures institutionnelles, le bilan demeure des plus mitigés – au point de se demander si la pensée institutionnelle n’a pas fait fausse route et si ces mesures n’ont finalement pas été un obstacle à l’inclusion.

Parmi toutes autres mesures, la politique «d’intégration» des personnes issues de la migration internationale semble mise au pilori. Quand elle n’est pas inefficace, quand elle ne stigmatise pas, elle est la cible des attaques des discours populistes ou d’extrême droite. Or, la ville est par définition un espace de la migration; sans l’arrivée continue de nouveaux et nouvelles habitant·es, ainsi que des idées nouvelles qu’ils et elles apportent, la ville mourrait.

Ce constat nous a inspiré la réflexion suivante: La ville a-t-elle besoin d’instruments institutionnels spécifiques pour inclure les nouveaux et nouvelles arrivant·es sur son territoire ? Que faisait-elle avant les «politiques d’intégration» ? D’un point de vue historique, l’accueil réservé autrefois aux étranger·ères était bien différent de ce que l’on constate aujourd’hui; et beaucoup plus varié que l’on peut penser.

Nous avons mis à l’épreuve cette réponse, qui paraît décalée par rapport aux discours politiques. La ville ouverte n’a pas besoin de «politique d’intégration», mais d’événements qui célèbrent les différences des identités et l’appartenance territoriale. Cette certitude s’est trouvée confortée durant ces deux ans de pandémie, le COVID-19 ayant frappé les lieux à haute densité de population plus que les périphéries: dans les villes, des rituels alternatifs et spontanés sont apparus et la souffrance créée par leur absence est désormais documentée.

Une étude comparative

Dans ce livre, nous présentons des rituels de trois contextes urbains représentant une systématicité comparative ; ceux-ci sont sélectionnés pour couvrir différentes formes institutionnelles et spontanées de pratiques qui offrent une inclusion et/ou une exclusion territoriale et symbolique.

Les huit cas de rituels d’inclusion urbains se situent dans des contextes que nous étudions depuis longtemps et desquels nous avons une connaissance approfondie. Mais le choix a aussi été dicté par une approche heuristique, qui visait à observer les multiples formes que les rituels urbains peuvent prendre, conjuguant la diversité des acteurs promoteurs et les liens avec les traditions. Les huit cas, en effet, montrent des combinaisons différentes à cet égard et se situent aussi, dans la forme, dans des logiques diverses. Il s’agit des cas suivants:

  • Rituels spontanés institutionnalisés: La Baignade dans les fontaines à Turin
  • Rituels spontanés sans institutionnalisation: Les Tam-Tams de Montréal
  • Événements rituels uniques, soutenus et partiellement conçus par les autorités locales: La Saga des Géants à Genève
  • Rituels traditionnels fondés sur un rappel de l’histoire: L’Escalade à Genève
  • Rituels traditionnels sans rappel de l’histoire: La Saint-Jean à Turin
  • Rituels inventés sur la base d’une transformation des repères traditionnels:  Vous faites partie de l’histoire !  à Montréal
  • Rituels inventés par les autorités en raison des volontés de communautarisation et donc sans origine traditionnel: Le Gala des Nouveau-Nés à Montréal
  • Rituels traditionnels avec des repères historiques secondaires: Les Fêtes de Genève

Notre attention a été attirée surtout par les différences quant à l’institutionnalisation et par le lien avec l’histoire, deux éléments fondamentaux, dans la naissance d’un rituel.

Quelques résultats

Le passage d’un monde de migration et de sédentarisation à un monde de mobilité et d’établissement temporaire a des conséquences sur la manière de concevoir l’appartenance. Celle-ci se multiplie non seulement selon les parcours individuels de vie qui cumulent des expériences à plusieurs endroits, mais aussi en fonction du surcroît de citoyennetés multiples.

L’espace urbain, en tant que lieu de recomposition continue d’histoires inclusives, a besoin de moments rituels pour contrer les conceptions statiques, alarmistes et essentialistes. Promouvoir la diversité et inclure sans réduire sa propre diversité est la tâche principale d’une ville, de ses institutions, de ses habitant·es et usager·ères, de la politique urbaine. Nos recherches sur les rituels urbains à Genève, Turin et Montréal fournissent des pistes pour les territoires en quête de pratiques inclusives qui puissent être ritualisées en vue de renforcer un sentiment d’appartenance à la ville.

Cette étude est le premier résultat d’un projet de recherche internationale financé par les Fonds nationaux suisse et belge de la recherche scientifique (Subvention 100019E_190051 Unexpected Inclusion). Avec une préface de David Le Breton (Université de Strasbourg) et des appréciations politiques de Chiara Appendino (Turin), Sandrine Salerno (Genève) et Magda Popeanu (Montréal).

Pour tout renseignement, veuillez contacter :
Fiorenza Gamba, Université de Genève, Institut de recherches sociologiques
Sandro Cattacin, Université de Genève, Institut de recherches sociologiques
Bob W. White, Université de Montréal, Laboratoire de recherche en relations interculturelles (LABRRI).

Ce livre est publié en libre accès par les Presses de l’Université de Montréal grâce au soutien financier de la Direction des Bibliothèques de l’Université de Montréal.

En complément:

Quelques extraits tirés du livre: