Retour sur l’atelier d’initiation à la systémique de Sylvie Genest

Compte rendu par Guy Drudi, Doctorant en Sciences humaines appliquées (SHA), membre du LABRRI.

Le 8 novembre 2019, madame Sylvie Genest fut invitée à animer un atelier d’initiation à la Méthode systémique dans le cadre des activités de formation du Laboratoire de recherche sur les relations interculturelles (LABRRI) à l’Université de Montréal. Cette méthode permet de cerner la complexité de la réalité sociale telle qu’elle se pose en anthropologie, notamment dans le champ de la recherche sur la communication en contexte interculturel. Fondés sur une épistémologie constructiviste, ses travaux s’inspirent fortement des écrits de Gregory Bateson[1] et d’Edgar Morin[2]. Pour son atelier, elle a également suggéré un texte de Young Yun Kim sur la Théorie contextuelle de la communication interethnique (TCCIE)[3]. Il s’agit d’une théorie interdisciplinaire qui s’intéresse aux comportements de communication associatifs et dissociatifs des communicateurs qui interagissent avec des personnes d’ethnies différentes ; Kim situe sa réflexion dans une perspective de systèmes de communication ouverts et la présente comme une Synthèse des travaux de l’Association Française de Science des Systèmes Cybernétiques, Cognitifs Et Techniques (Groupe AFSCET) [4]. Cette association définit l’approche systémique comme :

“une discipline qui regroupe les démarches théoriques, pratiques et méthodologiques, relatives à l’étude de ce qui est reconnu comme trop complexe pour pouvoir être abordé de façon réductionniste, et qui pose des problèmes de frontières, de relations internes et externes, de structure, de lois ou de propriétés émergentes caractérisant le système comme tel, ou des problèmes de mode d’observation, de représentation, de modélisation ou de simulation d’une totalité complexe.”[5]

L’atelier fut livré en deux parties : premièrement les concepts, les préceptes, la méthode et les outils heuristiques de la modélisation systémique; deuxièmement, l’étude des champs d’application de l’approche systémique et les liens entre cette approche et les travaux de recherche dans une perspective mono ou pluri disciplinaire. Les thèmes abordés furent:

  • La nature expérientielle et subjective de la connaissance : la réalité n’est pas donnée, mais construite à partir d’une problématique de recherche ;
  • La construction d’une problématique de recherche liée à la méthode de recherche ;
  • Les limites d’une méthode de recherche en lien avec ses compétences et ses finalités qui nous permettent de définir un objectif de recherche avant le problème;
  • La construction d’un problème compétent en examinant les solutions ;
  • La découverte des systèmes ouverts et de leurs interactions.

Elle nous propose cette définition d’un système élaborée par Jean-Louis Le Moigne (2006) :[6]

« Un système c’est « quelque chose » dans « quelque chose » qui fait « quelque chose » pour « quelque chose » par l’action de « quelque chose » qui se transforme dans le temps. ». La question de recherche doit identifier ce « quelque chose ». Une entité.

Madame Genest a suggéré un exercice pour mieux cerner cette entité.

  • Environnement. Définir l’environnement de l’objet que je veux observer.
  • Finalité. Etablir la finalité de mon projet : qu’est-ce que je veux savoir à son sujet ?
  • La méthode systémique offre un cadre de modélisation. Elle s’adapte à tous les objets de recherche.
  • Il faut commencer la recherche par distinguer l’Objet de son Environnement (OE) et ne jamais perdre de vue, par la suite, qu’ils s’influencent mutuellement dans ce qui forme une Unité complexe (U-OE).
  • Trois manières de questionner l’U-OE peuvent être identifiées ; elles sont respectivement relatives à sa dimension formelle, fonctionnelle et processuelle.
  • Apprendre à découper le monde.
    • C’est quoi ? quel objet choisir ? selon quelle frontière ?
    • Ça fait quoi ? quelle activité ai-je choisi d’observer ?
    • Dans quoi ? dans quel environnement en interaction ?
    • Ça devient quoi ? Quel  changement peut arriver ou doit arriver ? ou quel changement est souhaitable ou ne l’est pas ?
    • Pourquoi ? Quelle est la finalité du système ?
    • Quelle est ma finalité d’intervention dans le système ?
    • Déstabilisation du système : changer une variable va-t-elle modifier le système qui veut se reproduire ? De façon permanente et abrupte ? ou de façon réversible et continue ?

L’U-OE peut avoir différents comportements que l’observateur doit évaluer : elle peut se transformer, se maintenir, éclater ou encore autre chose ! Identifier le changement de système et de niveaux, c’est être attentif aux échelles d’interprétation et aux glissements de sens. Un changement d’échelle n’est pas un changement de niveau.

Enfin, un mot est dit sur l’importance d’identifier la cohérence des logiques qui président à l’organisation d’une U-OE : on pense à la dépendance (reliance) inter ou trans contextuelle, par exemple.

Madame Genest a conclu sa présentation en mentionnant « Il n’y a rien de complexe, si cela ne change pas. »


[1] Bateson, G. (1972).Steps to an Ecology of Mind: Collected Essays in Anthropology, Psychiatry, Evolution, and Epistemology .University Of Chicago Press, 1972. (ISBN 0-226-03905-6)

[2] Morin, E. (2005). Introduction à la pensée complexe, Paris, Seuil, coll. « Points / Essais » (no 534), 158 p. (ISBN 978-2-757-84200-3 et 978-2-020-66837-8, OCLC 894403676).

[3] Kim Young Yun. Contextual Theory of interethnic communication..Oxford Research Encyclopedia of Communication Subject: Intergroup Communication Online Publication Date: Jul 2017. DOI: 10.1093/acrefore/9780190228613.013.493. 30p

[4] L’Approche systémique : de quoi s’agit-il ? Synthèse des travaux du Groupe AFSCET.” Diffusion de la pensée systémique”(Gérard Donnadieu, Daniel Durand, Danièle Neel, Emmanuel Nunez, Lionel Saint-Paul ). Septembre 2003. 11 pages

[5] Idem.

[6] Le Moigne, J.-L. (2006). La théorie du système général. Théorie de la modélisation, 1977, PUF. 360p. (ISBN 2-13038-483-8).