Lors du dernier atelier interne du LABRRI, l’équipe a été très nombreuse pour discuter du concept de choc culturel. Pour ce faire, l’équipe a eu la chance de recevoir Sylvie Genest et Mathilde Gouin-Bonenfant pour présenter leurs réflexions suite au travail effectué sur le terme et publié dans Anthropen.

Résumé des présentations

Dans sa présentation, Sylvie a voulu démontrer que le concept, souvent mobilisé en privilégiant une approche de type « personnaliste », peut être réfléchi à partir des travaux de Bateson et considéré comme un processus de communication. Ainsi,  le choc culturel peut être vu comme le genre d’expérience qui se traduit par une impression de rupture entre deux « réalités incompatibles », l’une étant familière à la personne concernée alors que l’autre lui apparait comme une révélation incroyable provoquée par l’action contraignante d’un agent ou d’un facteur externe. Du rapprochement de ces deux réalités incompatibles résulte un effet paradoxal que je propose d’appeler effet de seuil pour mettre l’accent sur l’articulation entre deux réalités incompatibles.

De son côté, Mathilde a abordé l’histoire du concept de choc culturel en tentant de comprendre pourquoi les anthropologues s’en sont désintéressés. En effet, malgré que plusieurs anthropologues comme Manuel Gamio, Ruth Benedict, Cora Du Bois, Kalervo Oberg et Edward T. Hall, soient au centre de l’histoire du concept, celui-ci reste majoritairement ignoré dans la discipline. Retracer cette histoire permet aussi de souligner comment la communication interculturelle a émergé comme discipline séparée de l’anthropologie. Mathilde a aussi présenté une série de critiques du concept, notamment sur son manque d’ancrage empirique, son cadrage psychopathologique, ainsi que ses lacunes systémiques. La présentation a terminé avec une discussion sur les alternatives au concept.

Une diversité de choc

Après les présentations formelles de S. Genest et M. Gouin-Bonenfant, plusieurs participants ont eu l’occasion de raconter leur expérience personnelle de ce qu’ils concevaient comme un choc culturel : traumatisme causé par les moqueries répétitives d’un accent néo-zélandais par des locuteurs australiens (choc adaptatif) ; étonnement durable d’un québécois face aux présentations magnifiantes de produits de base dans les vitrines de magasins au Japon (choc esthétique) ; blessure psychologique causée par une disqualification professionnelle fondée sur l’identité ethnique en milieu de travail (choc identitaire) ;  dissonance cognitive provoquée par la tension inattendue entre la sacralisation et la médicalisation des soins de santé lors d’un voyage en Indes (choc scientifique) ; conflit de valeurs d’une jeune adulte à l’égard de ses parents dans le processus d’adoption d’un code de moralité envers les personnes de culture étrangère (choc moral).

À partir de ces témoignages, le groupe en plénière a ensuite amorcé une analyse comparative afin de repérer des points de convergence ou de divergence entre les expériences relatées : le groupe a remarqué, par exemple, qu’il y avait des variations sur le plan de la temporalité des événements : certains chocs ont été décrits comme étant mémorables, mais sans réelle conséquence sur le plan de leurs comportements ou de leurs convictions postérieures (chocs statiques) alors que d’autres paraissaient durables et même irrésolus (chocs schismatiques). Cette réflexion a aussi mis en relief la nécessité de se questionner sur le degré d’intensité des expériences vécues, sur l’échelle d’observation des situations de choc ou sur la présence ou non d’une problématique paradoxale.