La performance sociale en perspective :
Où en sommes-nous avec le milieu communautaire?
Atelier de théorie pratique avec le CARI St-Laurent
Vendredi 12 février 2016
Un atelier de théorie pratique a été organisé le 12 février 2016 entre le LABRRI et le Centre d’accueil et de référence sociale et économique pour immigrants (CARI St-Laurent) afin de discuter du concept de performance sociale dans le milieu communautaire.
Par Nadim Émond
Conférenciers :
Sophie Letendre, CARI St-Laurent (mobilisation et vie communautaire)
El-Hadji Diaw, CARI St-Laurent (conseiller en emploi)
Daniel Côté, LABRRI, IRSST
Une personne sur deux dans l’arrondissement de Ville St-Laurent est issue de l’immigration. Les services du CARI visent une meilleure intégration pour ces personnes.
La démarche de performance sociale vient de réflexions du CARI St-Laurent portant sur leurs stratégies et grands axes futurs. L’objectif est la consolidation de l’équipe et l’actualisation de son plein potentiel. Le CARI s’est donné comme mandat de développer un outil d’évaluation de performance sociale, visant à en faire bénéficier d’autres organisations communautaires. Un tableau de bord a été développé afin de répertorier la performance sociale, le concept de praticien réflexif (sur le même modèle que les ATP), et le milieu communautaire.
On entend performance sociale non pas sur un plan individuel, mais sur une échelle plus large. Il faut éviter de confondre le terme avec l’équivalent dans le micro-crédit, ou la responsabilité sociale des entreprises. Le terme regroupe plusieurs concepts, entre l’évaluation du bien-être au travail, le sens du travail (accord avec les valeurs et l’identité), le sens au travail (sens donné dans l’environnement même du travail), et la qualité du travail. Le concept permet d’évaluer la qualité de vie au travail de façon positive, plutôt que selon des critères négatifs. Trois types de performances ont été conceptualisées : individuelle, collective et organisationnelle. La performance sociale est évaluée à l’intersection des trois niveaux.
Afin de développer ce savoir, toutes les bases de données pertinentes ont été consultées et ensuite triées. Une dizaine d’ouvrages ont été choisis, sur plusieurs milliers. Les éléments du contexte de travail ont été séparés selon les trois types de performance (individuelle, collective, organisationnelle).
Plusieurs enjeux émergent par rapport au travail communautaire, dont la reconnaissance du travail, des injonctions contradictoires, la surcharge physique et psychologique, le travail invisible, et parfois même des cas de violence. Les gens ont tendance à ne pas compter les heures lorsqu’ils sont investis dans leur travail sur le plan affectif. Le tout peut éventuellement mener à de l’absentéisme ou du présentéisme, c’est-à-dire la présence au travail malgré une souffrance ou un mécontentement. Ces maux causent un cercle vicieux de trop grand roulement de personnel, qui implique une surcharge pour le personnel restant, une perte d’expertise et une discontinuité dans le flux de travail. À la CSST, les dossiers de stress en milieu du travail sont d’ailleurs acceptés à 37% seulement, en comparaison à la moyenne de 85% pour tout accident de travail confondu.
Il y a 500 000 absences liées à des problèmes de santé mentale chaque semaine au Canada. Les problèmes sont principalement liés au stress et à l’épuisement. D’un point de vue économique, ceci coute plus de 20 milliards de dollars. Dans le milieu communautaire, il y a une différence entre la perception et la réalité. La perception du personnel est souvent négative, avec beaucoup de plaintes par rapport à leurs conditions de travail. Les nouvelles générations ont des attentes plus élevées et sont souvent surqualifiées par rapport à leurs prédécesseurs. Il y a augmentation des besoins, mais une baisse du financement. Le personnel est alors mis sous tension. De plus, les CSSS ne sont pas assez outillés en interculturel, et redirigent alors des personnes dans les organismes communautaires.
Les rencontres d’ancrage permettent de voir la pertinence des idées développées pour les autres organismes. Celles-ci montrent qu’ils tendent vers les mêmes problèmes. Le choix de l’échantillon est un défi, puisque les organismes diffèrent énormément dans les missions et les types d’emplois. La culture de la performance impose ses règles. Souvent les ressources ne suivent pas l’augmentation des exigences. Pour citer Estelle Morin, la créativité des employés, l’efficience des processus ainsi que le soutien du milieu donnent une valeur ajoutée à l’efficacité organisationnelle. Il est important de prévenir les risques psycho-sociaux.
Discussion
Le modèle du CARI St-Laurent s’inspire de l’idée d’organisation apprenante, c’est-à-dire de transformation des apprentissages individuels en apprentissages collectifs. Il faut un système de partage des apprentissages et de renforcement des capacités. L’idée est de réfléchir sur comment être en phase avec son écosystème. D’un organisme à l’autre, cette idée d’écosystème dépend énormément de la direction en place.
Ces enjeux organisationnels sont un grand défi à l’intérieur de l’économie actuelle qui ne reconnaît ce qui est nouveau et mesurable, principalement avec le lean. L’important de cette recherche est l’idée de performance dans l’organisation face à la dégradation des conditions. Les recherches de Battagliani disent qu’il faut 40% plus de temps pour intervenir auprès de clientèles immigrantes. À quel point faut-il prendre en considération ces conditions? Il y a un certain danger de stigmatisation de populations. À l’opposé, il est difficile de sortir du langage gestionnaire pour amener des changements. Ceci ramène à la question sur l’importance de nommer les différences.