Responsable de l’axe de recherche: Lomomba EMONGO
Problématique
L’interculturel. Que voilà un terme problématique à plus d’un titre, dont les trois suivants.
Sur le plan graphique, le mot « interculturel » semble concurrencé par d’autres substantifs de la même famille. Ainsi en est-il de l’« interculturalisme » qui gagne en intérêt dans les pays occidentaux, notamment en matière d’intégration des vagues de migrants issus des pays en guerre ou du sud en général.
Sur le plan sémantique, il est à ce jour un concept en mal de définition au nom, sans doute, des multiples perspectives qu’il suggère. L’interculturel relève-t-il d’une utopie globale, d’une philosophie nouvelle dont aucune modalité de savoir, scientifique ou vernaculaire, aucun rapport au transcendant, religion ou spiritualité, aucune façon théorique ou pratique d’être-au-monde pour l’être humain n’est indigne ? Relève-t-il d’une perspective herméneutique axée sur la compréhension si faire se peut de la rencontre et du possible dialogue, à travers les personnes, des cultures qui leur servent de référence, sur lesquelles se réfractent leurs façons de penser et leurs actions ponctuelles, qu’elles portent en héritage et recréent en retour ? Relève-t-il d’une perspective idéologico-politique axée sur l’intégration des immigrants dans les sociétés industrialisées contemporaines – comme c’est le cas au Québec et dans l’Union Européenne ? Relève-t-il d’une perspective sociologique axée sur les interactions concrètes au sein du même espace public partagé par des personnes d’origine géographique et de référence culturelle différentes ? Relève-t-il d’une discipline scientifique connue, ou bien d’un champ d’études interdisciplinaire dans la constellation académique ? Relève-t-il d’un cadre d’action à l’échelle internationale, nationale, provinciale ou municipale ? Relève-t-il des modalités d’approche thématique, ou bien d’application intersectorielle, des compétences théoriques ou bien des outils en vue de l’acte à poser ?
Sur le plan pragmatique, aussi courant est son usage comme adjectif, aussi polémique est son usage comme substantif quelle qu’en fût la graphie. À croire que ce mot porte en lui, à la fois, le germe de son usage inflationniste qui en ferait un concept fourre-tout, et le virus qui guette d’ores et déjà tout savoir y relatif. De ce qui précède, l’interculturel commande une interrogation d’amont, préalable à toute écriture, à tout sens et à tout usage du mot. Antérieur à tout discours ponctuel sur le mot, ce discours interrogateur d’amont constitue en propre l’objet de l’Axe Épistémologie des recherches conduites par le Laboratoire de recherche en relations interculturelles – le LABRRI.
Cadre conceptuel
Les réflexions de type épistémologique peuvent s’articuler de deux façons. D’une part, elles peuvent consister à analyser les conditions de possibilité de ce qu’il y a lieu d’appeler l’interculturel. De caractère a priori, semblable investigation ne saurait faire l’économie de la graphie la plus appropriée, de l’évaluation de la sémantique de ses différentes variantes, de la pertinence de ses usages comme adjectif ou comme substantif, de l’impact du préfixe INTER sur toutes ses graphies possibles, de la culture comme son contenu générique, peu importe la polémique qui entoure le mot, de la rencontre comme le concept élargi des interactions entre personnes et entre cultures, etc. D’autre part, réfléchir sur l’épistémologie de l’interculturel peut sonder la validité après coup d’un discours donné, relativement à l’interculturel. Il en irait, en plus de mesurer le degré de cohérence interne dudit discours, de soumettre sa teneur à l’issue à l’épreuve de la réalité qu’elle prétend penser. Il en irait, en somme, d’évaluer la vérité du discours concerné aussi bien dans sa manière d’advenir comme tel que dans le savoir qui en résulte. S’agit-il d’une double démarche ? Le cas échéant, celle-ci comporterait-elle deux niveaux différents d’approche épistémologique ? S’agirait-il plutôt de deux approches complémentaires d’une même démarche épistémologique ? Ces quelques autres aspects du caractère fondamentalement problématique de la question épistémologique soulignent, en fait, une réalité : qu’il soit pris par le biais de l’a priori ou par celui factuel, l’investigation épistémologique représente, mieux qu’un exercice intellectuel à haut risque, un incontournable en matière d’interculturel.
Quelques thèmes
Plusieurs thèmes possibles d’une réflexion épistémologique de l’interculturel sont nommés ci-dessus. Il s’agit notamment de
- justifier l’approche épistémologique auquel on recoure : les conditions de possibilité d’un discours sur l’interculturel, ou bien l’évaluation d’un discours donné sur l’interculturel.
- discuter des limites et des atouts de la graphie considérée, de la perspective sémantique adoptée, de l’usage de l’adjectif ou du substantif.