Depuis l’automne 2013 les chercheurs au LABRRI travaillent sur la meilleure façon de définir des critères d’évaluation interculturels. Cette question est au cœur du travail du partenariat « Vers une ville interculturelle » parce que plusieurs de nos partenaires nous demandent notre avis à ce sujet.
Dans notre travail, nous faisons face à toute sorte de situations, d’actions et de politiques qui s’affichent avec l’étiquette « interculturel ». Dans nos différents rôles–chercheur, intervenant et gestionnaire–nous sommes appelés à nous prononcer sur la définition et les modalités de cette approche. De prime abord, cela pose plusieurs problèmes:
- Comment savoir s’il s’agit d’une approche interculturelle?
- Comment faire pour évaluer l’efficacité de l’action interculturelle?
Tout d’abord, il faut distinguer entre le phénomène de l’interculturalité et les politiques ou programmes qui visent à encadrer cette réalité interculturelle :
Interculturalité: le contact plus ou moins naturel entre des individus ou groupes d’origines différentes
Interculturalisme: une orientation donnée par l’État qui vise à encadrer les dynamiques d’interaction dans un contexte pluriethnique.
Deuxièmement, il faut constater que les individus et les institutions ont des points de vues divergents par rapport à la meilleure façon d’encadrer cette réalité pluriethnique. Dans le cadre de notre recherche sur les dynamiques interculturelles dans les villes, nous avons identifié trois orientations ou postures qui guident les actions en matière d’intégration. Pour expliquer ces trois postures, nous utilisons l’expression des « 3D » : Diversité, Discrimination, Dialogue. Chaque orientation présume une façon d’agir ou d’intervenir :
- Diversité : protéger la diversité en reconnaissant les différences
- Discrimination : garantir l’égalité en combattant la discrimination
- Dialogue : faciliter le rapprochement en tentant de réduire les écarts
Voici quelques rappels importants au sujet de ce modèle:
- Il est important de faire attention à l’utilisation des termes pour éviter la confusion dans les échanges sur l’évaluation.
- L’approche interculturelle présume la complémentarité entre ces trois orientations.
- Chaque orientation constitue une condition nécessaire mais pas suffisante pour garantir des conditions interculturelles optimales.
- La combinaison des trois orientations détermine la nature et l’impact des programmes et des politiques.
Maintenant nous pouvons parler des critères qui sont utilisés dans les différents domaines de la recherche et l’intervention interculturelle. Nous avons identifié une dizaine de critères et nous avons commencé un processus de validation de ce contenu avec plusieurs de nos partenaires de recherche. Une fois que ce processus est terminé nous allons publier un texte qui explique les critères plus en détails et nous allons probablement préparer un guide d’accompagnement pour faciliter l’application des critères. En attendant voici quelques exemples de critères que nous avons inclus dans le processus de validation :
Est-ce qu’il y une conscience de l’importance et des limites de la notion de culture ?
- La définition de la culture : « arts » vs « identité »
- La manifestation de la culture : visible vs valeurs profondes
- Nous sommes tous porteurs de différentes identités ou « cultures »
- Nous reflétons la culture sans être déterminés par elle; la culture, comme l’identité est dynamique
- En tant qu’individus, nous sommes tous créateurs de culture
Est-ce que les rapports de force et les sphères d’influence sont explicites ?
- Y a-t-il présence des mécanismes pour assurer un processus délibératif malgré les rapports de force ?
- Entre la société d’accueil et les immigrants ?
- À l’intérieur des communautés ethnoculturelles ?
- Entre les différents groupes ethnoculturels ?
Est-ce qu’il y a des mécanismes prévus pour faciliter des interactions constructives entre les personnes et les groupes d’origines différentes à court, moyen ou long terme?
- Est-ce qu’il y a une prise en compte des différents situations et contextes de contact, ainsi que les conditions qui s’y rattachent?
- Est-ce que les personnes concernées s’attendent à des tensions, des malaises et des conflits ?
- Est-ce que les différents acteurs sont capables de voir ces moments comme des occasions pour le rapprochement ?
- Est-ce que la promotion des interactions se fait à partir d’une appartenance civique ou citoyenne ?
Nous serons heureux d’entendre vos suggestions et commentaires à ce sujet. Si vous avez des réactions ou si vous avez besoin d’informations, vous pouvez contacter Bob White (bob.white@umontreal.ca) ou Danielle Gratton (daniellegratton3@gmail.com).