Le 4 juin dernier M François Rocher, professeur en science politique à l’Université d’Ottawa, est passé dans les bureaux du LABRRI pour donner un atelier sur les politiques interculturelles au Québec. Voici un résumé de cet atelier préparé par Arthur Pecini et Marta Massana.
L’atelier de M Rocher a principalement abordé trois éléments :
1) La compréhension de la notion d’interculturalisme et ses principes fondamentaux dans le contexte québécois;
2) Une présentation de la méthodologie utilisée pour analyser les politiques d’accueil et d’intégration des nouveaux arrivants au Québec;
3) Une réflexion épistémologique sur la notion d’interculturalisme ainsi que sur la pertinence du modèle d’analyse.
Dans un premier temps, Rocher a fait un retour historique sur l’utilisation du mot interculturel. Même si le concept d’interculturalisme fait son apparition au début des années 1960, c’est surtout à partir des années 1980 que la notion commence à faire partie des politiques d’intégration et d’accueil des nouveaux arrivants au Québec. L’interculturalisme est alors axé sur : 1) la reconnaissance du droit à la différence culturelle dans une dynamique d’harmonisation et de convergence; 2) La nécessité d’apprécier la différence culturelle comme une richesse; 3) établir des échanges; et 4) favoriser les échanges culturels dans un contexte d’une société francophone.
Dans les années 1990, les axes d’intervention en matière d’intégration se déclinent comme suit : 1) l’apprentissage du français occupe une place centrale; 2) la participation citoyenne au niveau social, économique et politique est recherchée; 3) la valorisation des relations intercommunautaires harmonieuses; 4) la reconnaissance d’une culture publique commune.
Dans les années 2000, par contre, les politiques visant l’intégration des nouveaux arrivants mettent l’accent sur : 1) la pleine participation des minorités culturelles, dans le développement du Québec en portant une attention particulière à l’accueil et à l’accès durable à l’emploi; 2) la pleine reconnaissance de la diversité; 3) les droits fondamentaux; et 4) la loyauté à la nation québécoise.
Finalement et à partir des travaux issus de la Commission Bouchard-Taylor, les politiques d’accueil et d’intégration des nouveaux arrivants au Québec sont invitées à se concentrer : 1) la cohésion sociale; 2) la nécessité de définir des orientations communes par l’ensemble de la société; 3) la prise en charge de l’existence d’un rapport majorité-minorité; et 4) la diversité comprise comme une valeur en même temps que renvoyant à crainte quant à la continuité du noyau francophone.
Le modèle d’analyse proposé par François Rocher s’inspire du texte de Daniel Salée « Penser l’aménagement de la diversité ethnoculturelle au Québec : mythes, limites et possibles de l’interculturalisme ». En effet, il nous propose un modèle d’analyse à partir de l’établissement de trois catégories qui composeraient l’interculturalisme au Québec : l’approche instrumentalise, l’approche humaniste et l’approche citoyenne.
L’approche instrumentaliste est celle où l’individu est vu comme un client. Cette approche vise à l’intégration fonctionnelle des immigrants afin de répondre aux besoins du marché du travail. L’immigrant, au-delà d’un client, est aussi considéré comme un contributeur à l’enrichissement social et économique.
L’approche humaniste considère l’individu comme une personne qui a droit à sa dignité, titulaire des droits au centre de ses actions. Ainsi, elle met l’accent sur la formation interculturelle au milieu de la fonction publique dans le but de lutter contre la discrimination et le racisme.
L’approche citoyenne appréhende l’individu comme un participant à la collectivité, comme citoyen. Par conséquent, il doit souscrire aux normes sociales et politiques et participer dans leur construction et leur remise en question. De plus, cette approche vise à favoriser l’identification des individus à la société d’accueil.
Le travail de Rocher porte sur les analyses de l’approche interculturelle dans les orientations et stratégies prises par les villes Montréal, Laval et Longueuil en matière de politique d’intégration des nouveaux arrivants. Il note l’existence d’un décalage entre l’approche prédominante dans les orientations et dans les stratégies de chaque ville. À ce propos, il souligne la prédominance d’une approche instrumentaliste au niveau des stratégies menées par des municipalités, ainsi qu’une approche humaniste par rapport aux orientations qui guident ces stratégies politiques. Cependant, il remarque l’existence de nuances importantes en ce qui concerne le cas spécifique de la ville de Montréal. Dans ce cas, les actions s’inscrivent majoritairement dans une approche humaniste. Cela pourrait s’expliquer, d’après Rocher, par la forte proportion d’immigrants vivant à la ville comparativement aux autres villes étudiées.
Au niveau de la pratique, les participants de l’atelier ont été appelés à classer les orientations et objectifs de la politique d’intégration de la ville de Montréal selon les approches instrumentaliste, humaniste et citoyen. Celui-ci a été suivi par une discussion sur les classifications et les justifications des choix des participants. Le point important remarqué pendant cet exercice, c’est que l’utilisation de certains mots ou des objectifs implicites dans les orientations créent différentes interprétations et classifications. Cet exercice nous invité à raffiner le modèle d’analyse des politiques en intégration des immigrants.