Atelier autours du livre “Le Code Québec” de Jean-Marc Léger, Jacques Nantel et Pierre Duhamel

Compte rendu par Maude Arsenault

Le vendredi 28 avril 2017 a eu lieu l’atelier du Laboratoire de Recherche sur les Relations Interculturelles (LABRRI) sur le livre de Jean-Marc Léger, Jacques Nantel et Pierre Duhamel, Le Code Québec. Les auteurs du livre, sorti en 2016, tentent de démystifier les paradoxes de l’identité québécoise ainsi que ce qui la distingue des autres sociétés, notamment le reste du Canada (ROC). L’atelier a été animé par les professeurs Bob W. White et Jorge Frozzini en commençant par une introduction sur l’intérêt du livre pour des chercheurs en interculturel, pour ensuite présenter le livre, ses critiques et ses apports aux recherches du laboratoire.

Le livre en lui seul pourrait n’avoir qu’un intérêt limité pour les anthropologues, son public cible étant les sociétés désirant vendre des produits aux Québécois. L’intérêt qu’a suscité le livre dans les médias a néanmoins amené les chercheurs du LABRRI à se poser des questions sur la production et reproduction de « croyances » culturelles à travers des sondages. Y a-t-il des tendances identifiées dans le livre qui sont valables et intéressantes? Le débat interculturel/multiculturel mène souvent à la différence Québec/Canada, hors, cette dernière question est central dans le texte. Un tel écrit soulève également la question de l’apport de l’opinion publique dans la recherche. Il s’agit finalement d’un exercice intéressant de centration pour les Québécois, puisque la version française, en référence au sous-titre du livre, parle au NOUS, alors que la version anglaise parle au EUX.

C’est en replaçant le livre dans son contexte qu’il est possible de comprendre sa symbolicité. D’un point de vue historique, les Québécois, devenus minoritaires, portent depuis longtemps un imaginaire lié à leur victimisation. En offrant aux Québécois un livre leur permettant de se réapproprier leur identité, l’œuvre s’insère dans une volonté de redevenir maître chez soi. D’un point de vue systémique, l’identité abordée dépend du niveau dans lequel on le regarde. C’est pourquoi les conclusions du livre peuvent être interprétées différemment : la société québécoise partage un code à 71% semblable à celui du Canada. Même si la province francophone partage prêt du 3/4 de son code avec le Canada, peut-on dire qu’ils sont semblables? Est-ce que le 29% de différence fait la différence? De ce point de vue, ce livre n’est pas qu’un outil de marketing, mais bien un livre très politisé qui aborde la question de l’existence même d’une nation québécoise. Pourquoi alors ce livre a-t-il été écrit par une firme de marketing, et non par des anthropologues ou des sociologues?

« Le Code Québec » est un livre qui s’intéresse aux spécificités des Québécois tout en rappelant que la différence est moindre que le veut la croyance générale. Cette conclusion prend place dès les premières pages du code.  Pour les auteurs, il est aussi important d’exposer la nécessité d’apprendre à jongler avec certains paradoxes caractéristiques de la société. Toutefois, ils traduisent ces paradoxes par des formules faisant appel à des préconceptions partagées dans l’imaginaire collectif : « Le Québécois est un Français… mais en plus modeste. Il est aussi un Anglais plus émotif et un Américain, mais plus pacifiste » (Blais, Journal de Montréal, 2016). Il faut aussi garder en tête que le Québec diffère d’une région à l’autre.

La méthodologie du livre soulève des questions, mais malgré celles-ci, les chercheurs du LABRRI ne peuvent  pas omettre son impact sur la société.  Mario Dumont, commentateur politique, décrit même le livre comme « intemporel qui sera une référence dans tout le monde de la politique, du marketing, de la publicité et des communications (…) pour les 10 à 15 prochaines années » (Bergeron, LaPresse, 2016). Bob W. White voit en l’œuvre une tentative de mesurer l’imaginaire de la population. Mais comment mesurer l’imaginaire? Qu’est-ce que l’imaginaire serait peut-être une question plus appropriée, puisque pour certains, ce qui caractérise un individu est une réalité en elle-même et existe en dehors de lui. La vision de l’anthropologue se veut pourtant plus constructiviste, et ce que l’individu croit être, son imaginaire, devient une réalité que certains tentent de décrire. Il y a également, dans le livre, un intérêt pour les interculturalistes. Premièrement, le décodage des codes est essentiel pour ces derniers, puisque les individus naviguent dans des cadres et systèmes et la capacité d’un individu à les gérer a un impact important sur l’intégration. Deuxièmement, le livre est un exercice important de centration. De plus, pour l’analyse des représentations, la vision que la société québécoise a d’elle-même, à un moment et dans un contexte donné, doit être considérée pour favoriser la réception de certaines propositions.

En conclusion, semblerait-il que la Grande Bibliothèque de Montréal en garde 5 copies, ce qui est déjà exceptionnel, et que celles-ci sont toutes louées. Cette influence doit être prise en considération et questionnée par les chercheurs du LABRRI. Néanmoins, une question persiste : pourquoi ce ne sont pas des anthropologues ou des sociologues qui sont à la tête de cette tentative de description de la société québécoise? Ces derniers seraient les candidats idéaux pour un tel projet, pourtant, ils ne semblent pas avoir proposé quelconque code, modèle ou balise. Ceux-ci devraient tout d’abord réussir à avancer autour des questions préalables, tels que : Qui est Québécois? Qu’en est-il des immigrants et des anglophones, qui sont en quelques sortent des hybrides? Qu’en est-il de l’aspect dynamique de l’identité? Etc.

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