Atelier avec Mireille Paquet : “Les provinces et la fédéralisation de l’immigration”

Atelier du 19 mai 2017

Compte rendu de Stéphanie Larouche-LeBlanc

Les provinces et la fédéralisation de l’immigration avec Mireille Paquet

Mireille Paquet est professeure adjointe au département de science politique à l’Université Concordia et codirectrice du Centre pour l’évaluation des politiques d’immigration (CEPI).

Lors de l’atelier du 19 mai, Mireille Paquet est venue présenter aux chercheurs et aux étudiants du LABRRI son livre La fédéralisation de l’immigration au Canada. Dans le cadre de ses recherches doctorales, Mme Paquet s’est concentrée sur la décentralisation des questions d’immigration entre le gouvernement fédéral et les provinces canadiennes entre 1990 et 2010.

Elle définit la fédéralisation comme étant le passage d’un régime dominé par le gouvernement fédéral vers un régime où toutes les provinces sont des acteurs institutionnels. La particularité de cette fédéralisation, c’est qu’elle s’est faite tranquillement, sans remises en questions ou vives contestations. Elle souligne que souvent les institutions ne changent pas de l’extérieur, mais lorsqu’on s’y attarde, il est possible de voir qu’elles changent de l’intérieur. C’est ce qui s’est passé. Pour Mireille Paquet, il était intéressant de comparer des provinces puisqu’en comparant des pays, on manque tout une dimension historique.

Quatre caractéristiques de la fédéralisation de l’immigration:

  1. Mobilisation pour plus de pouvoirs directs en matière d’immigration dans toutes les provinces. Un nouveau discours émerge à partir de 1990 en Alberta et qui est repris au Québec puis par les autres provinces. Ce discours pro-immigrant qu’ont les provinces canadiennes est spécial quand on le remet dans un cadre international, puisqu’en général, les pays receveur d’immigrant font des politiques contre les immigrants.
  1. Maintien d’une forte présence fédérale et chevauchements des ordres de gouvernements en matière d’immigration et d’intégration. La décentralisation effectuée par le Canada au niveau des mandats en immigration n’est pas une décentralisation classique. Le fédéral reste maître de ses programmes, et les provinces en ont aussi. Par exemple, le PCP (Programme des candidats de la province) est présent dans 9 provinces et 2 territoires. Avec ce programme, les provinces ont une liberté relative dans la formulation des critères concernant les immigrants reçus sur leur territoire. Sauf en Ontario, le PCP devient presque la seule manière de faire entrer des immigrants dans les provinces. On note que 96% des candidats sont acceptés. La procédure a lieu comme suit : Candidature à la province -» Nomination à la province -» Confirmation fédérale -» Résidence permanente.
  1. Discours et politiques pro-immigration. Le discours des élus sur l’immigration change. L’immigration va sauver la province de tous ses maux. On a besoin du capital humain, on a besoin du capital économique que ça peut emmener. On passe d’un discours sur la revitalisation de l’économie qui a besoin de ressources matérielles à un besoin de ressources humaines.
  1. Variation structurée dans les politiques et programmes provinciaux On peut voir une utilisation différenciée du PCP selon les provinces. Mireille Paquet a aussi relevé 4 façons de s’impliquer en immigration au niveau des politiques publiques.- Holiste (Québec, Manitoba) – Passerelle (Alberta, Saskatchewan)- Réactif (Ontario, Colombie-Britannique) – Attraction/rétention (les provinces de l’Atlantique). Bien que les provinces ont appris l’une de l’autre, il y a eu une prise de conscience indépendant pour chacune d’entre elle. Il y a aussi une logique entre le moment où les provinces se sont mobilisées autour de la question et la manière dont ils s’occupent de l’immigration (holiste, passerelle, réactif ou attraction/rétention).

Mme Paquet remarque que dans tous les cas, les mécanismes de construction provinciale sont les mêmes. Il ne sont pas toujours dans le même ordre nécessairement, mais les trois sont là.

  • Activation (mise à l’agenda par l’élite)
  • Consensualisation (Diffusion d’un consensus à propos de l’immigration comme une ressource pour la province)
  • Institutionnalisation (Établissement d’institutions, mise en place de politiques et programmes)

Leçons à retenir concernant la fédéralisation de l’immigration:

  • Il s’agit d’un mouvement d’élite et produit par une fonction publique. Ce n’est pas un mouvement social. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de lecture sociale du terrain, mais plutôt que les élites n’ont pas été forcées par la base de le faire. Ces changements ne se font pas en lien avec les acteurs terrain. Les acteurs qui donnent des services aux immigrants sont rarement consulté Il y a des acteurs, membres de l’élite, qui identifient l’immigration comme une solution potentielle et c’est mis à l’agenda.
  • Conséquences à long terme pour l’établissement de réseaux de politique et de sites de participation.

Discussion:

Suite à la présentation de Mireille Paquet, la discussion a tourné autour du mouvement d’élite. Avec l’expertise de chacun autour de la table, tous ont pu affirmer que l’immigration était un projet mené par les élites au Québec aussi. Il est précisé que les élus ne font pas partie de l’«élite» puisqu’ils tournent trop, il y a trop de changements de ministres. D’où l’importance d’étudier les fonctionnaires.

Nous avons aussi abordé la différence entre les politiques d’accueil et les relations interculturelles. Il s’agit de deux logiques bien distinctes. Il y a un décalage entre les politiques d’immigration et la réalité sociologique.

Enfin, nous avons repris la classification de Mireille Paquet pour ce qui a trait aux quatre manières dont les provinces s’impliquent au niveau de l’immigration et nous avons tenté d’appliquer la même classification avec les villes québécoises. Bien que Mme Paquet reconnaisse les limites de son modèle, nous avons pu faire certaines comparaisons.

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