Relations interculturelles : Comprendre le processus de réadaptation et de retour au travail
Une équipe de recherche, composée de plusieurs chercheurs affiliés au LABRRI, a récemment publié un rapport de recherche s’intéressant au processus de réadaptation et de retour au travail chez les travailleurs immigrants.
L’étude, financée par l’IRSST, se penche sur “le rôle des intervenants, leurs stratégies d’intervention, leurs interactions et les difficultés propres aux rencontres avec un travailleur immigrant.”
Les co-auteurs du rapport de recherche sont Daniel Côté, IRSST, Sylvie Gravel, Université du Québec à Montréal, Jessica Dubé, IRSST, Danielle Gratton, Centre intégré de santé et de services sociaux de Laval et Bob White, Université de Montréal.
Voici le résumé du rapport :
Dans le domaine de la santé et de la sécurité du travail (SST), les barrières linguistiques et culturelles sont souvent décrites comme des facteurs de vulnérabilité des travailleurs. Il est rapporté que de telles barrières ont déjà été ou sont encore à l’origine d’erreurs diagnostiques ou de mauvaises évaluations cliniques, compliquant ainsi le processus de réadaptation et de retour au travail. La problématique de la réadaptation et du retour au travail dans le contexte de la rencontre interculturelle est pourtant peu documentée à l’échelle internationale. Il devient impératif de connaître l’expérience et la perspective de chacun des acteurs et de cibler des besoins et des problèmes spécifiques sur lesquels il faudra concentrer les efforts de recherche et de développement. L’objectif général de cette étude vise à déterminer les stratégies mises de l’avant par les différents acteurs pour faciliter le processus de réadaptation et de retour au travail des travailleurs dans le contexte de la rencontre interculturelle. Elle vise à décrire l’expérience et la perspective de chaque partie concernée (travailleurs, cliniciens, conseillers en réadaptation, milieux de travail) pour mieux faire ressortir les contraintes, les obstacles, les facilitateurs et les besoins spécifiques.
Un échantillon raisonné a été constitué. Il comportait quarante personnes (n=40) regroupant quatre catégories d’acteurs : des travailleurs (n=9), des cliniciens (n=15), des agents d’indemnisation et des conseillers en réadaptation (n=14), ainsi que des représentants du milieu de travail (n=2). Au groupe des agents d’indemnisation et des conseillers en réadaptation s’ajoutent deux groupes de discussion comportant un total de 7 participants. Les entretiens semi-dirigés, d’une durée moyenne de quatre-vingts minutes, ont été menés à l’aide d’un guide d’entrevue pour chaque groupe rencontré. Toutes les entrevues ont été enregistrées et retranscrites pour être codées à l’aide du logiciel d’analyse qualitative NVivo, version 10. L’analyse du matériel s’est inspirée de la théorisation ancrée (grounded theory).
À partir du parcours de SST et de réadaptation/retour au travail des travailleurs concernés, des moments clés ont été mis en lumière ainsi que des formes d’interactions spécifiques et des difficultés qu’elles pouvaient engendrer. Pour chacun des intervenants, des éléments importants de la construction des stratégies d’intervention qui dépassent les barrières linguistiques, culturelles et qui maximisent le potentiel de retour au travail de leur clientèle ont été établis. Dans le contexte des problématiques associées à la rencontre interculturelle, cinq éléments ont été identifiés : a) la rupture du projet d’intégration professionnelle et le sentiment d’injustice; b) le cumul des stigmates auprès des travailleurs immigrants victimes d’une lésion professionnelle; c) la construction du lien de confiance, pièce maîtresse de la relation thérapeutique; d) l’augmentation de la durée et de la fréquence des interventions, et l’adaptation des stratégies d’intervention; e) les barrières linguistiques et les écarts culturels.
En mettant en lumière des moments clés, des formes d’interactions spécifiques au contexte interculturel, les divers partenaires de la réadaptation sont invités à revisiter leur approche clinique et de gestion de cas, en tenant compte de la rupture qui s’opère entre le projet migratoire et celui de l’insertion du travailleur victime d’une lésion professionnelle sur le marché du travail. Une rupture qui va bien au-delà des difficultés à surmonter les barrières linguistiques et culturelles. Ces éléments du contexte d’intégration devraient être pris en considération pour maximiser le potentiel de retour au travail de leur clientèle, pour améliorer les contenus pédagogiques de formation des professionnels en matière de réadaptation.
Le communiquée de presse peut être lu ici.
Le rapport est aussi disponible ici.