Texte proposé par Marta Massana
Compte Rendu de « La Série Dialogue » organisée par le CRÉQC le 7 novembre 2013.
Voir le programme en cliquant sur ce lien : Série dialogue
Intervenants/es :
- Gérard Bouchard. Conférence d´ouverture
- Renée Dupuis. Vice-présidente de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse.
- Jocelyn Maclure. Professeur au département de philosophie de l´Université de Laval.
- David Sanschagrin. Candidat au doctorat au département de sciences politiques de l´UQAM.
- Sherry Simon. Professeure au département d´études français de l´Université Concordia.
- Jane Jenson. Professeure au département de sciences politiques de l´Université de Montréal.
La première séance de cette série de rencontres organisées par le CRÉQC s´est centrée sur la réflexion autour du DIALOGUE SOCIAL. Et plus concrètement sur le dialogue social comme voie pour atténuer le conflit et donc réussir au « vivre ensemble » dans des sociétés diverses comme le Québec.
Tous les conférenciers ont mis l´accent sur la dimension sociale, que d´après eux, devrait prendre ce dialogue. Car, même si la diversité au sein de notre société est, parmi d´autres, ethnoculturelle il faut tenir en compte et bien saisir tous les niveaux ainsi que tous les composantes et enjeux qui interviennent dans les dynamiques sociales. À cet égard, ils ont souligné l´importance de tenir en compte :
1. Le domaine économique.
2. Le domaine politicojuridique.
3. Le domaine culturel et symbolique.
Donc, selon les intervenants, et clairement énoncé par Jocelyn Maclure et David Sanschagrin, afin de réussir à la mise en place d´un dialogue social réel, il y a des conditions préalables qu´il faut garantir à tous ces niveaux antérieurement mentionnés :
Dans l´échelle économique, il est nécessaire d´effacer les inégalités qui existent. Donc, d´assurer l´égalité d´accès aux ressources et par la suite garantir que l´insertion socioéconomique puisse avoir lieu dans des conditions d´égalité entre les individus.
À échelle politique, plusieurs vertus ou principes devraient être mis en place :
- L´écoute politique.
- La générosité herméneutique. C´est à dire, la capacité d´envisager la meilleure justification ou version de la thèse adverse, ou comme Stuart Mill le soulignait, la meilleur formulation de l´argument opposé.
- L´ouverture épistémologique. Donc, prendre au sérieux les arguments d´autrui ainsi qu’avoir la volonté de les considérer dès d’une perspective d´ouverture aux changements, c´est à dire, sans rester renfermé dans sa propre vision et discours.
- La création d´un espace public ouvert, dépourvu du contrôle qui en ce moment exerce de cette sphère publique certains élites et groupes médiatiques notamment.
Concernant l´échelle juridique, tous les intervenants ont souligné que les instruments et mécanismes juridiques existant en ce moment au Québec sont déjà suffisants pour assurer un équilibre social dans le cadre du respect des droits et libertés fondamentales.
D´ailleurs, ils ont soulevé aussi le fait que la laïcité de l´État québécois est déjà accomplie. C’est pourquoi il n´y a aucun besoin qui peut justifier des mesures complémentaires appuyées sous le discours de la garantie d´une éventuelle laïcité non garantie.
Dans le domaine symbolique, Bouchard et par la suite les autres conférenciers ont insisté sur l´importance de ce substrat, et donc du fait de tenir en compte le rôle des représentations sociales et culturelles dans la construction des cosmovisions et donc des opinions et des préjugés. À ce propos, Bouchard a insisté sur le fait de tenir en compte que les représentations collectives sont porteuses des croyances, et que c´est quand ces croyances se sacralisent, à l´intérieure d´un groupe ou d´une société, qu´elles devient « mythe fondateur » et donc avec un caractère assez « intouchable » même si Bouchard reconnaît que c´est un construit social. Tous ces aspects subjectifs et émotionnels sont, d´après moi aussi, importants à prendre en charge surtout afin d´envisager les interactions et concevoir un dialogue social réel (dans un sens herméneutique).
D´ailleurs, Gérard Bouchard, a défendu l’interculturalisme québécois, proposé pour lui-même, comme un modèle mitoyen permettant d’intégrer la pluralité ainsi que l’intégration sociale des minorités ethnoculturelles à partir de l’interaction et de la promotion d’une culture commune bâtie sur le respect des droits universels et de la diversité. Un modèle qui est constitué, par sept prémisses clés qui se résument par : 1) le respect des droits (économiques, culturelles, politiques et civiques), 2) la promotion et l’officialité du français comme principale langue de la vie civique et de la culture commune dans la nation québécoise, 3) la prise en compte de la diversité ethnoculturelle, partie prenante de la nation québécoise et qui par conséquent la définit, 4) l’intégration sociale comme devoir moral de l’ensemble de la société québécoise, 5) la promotion des interactions sociales, 6) la recherche d’équilibres qui peuvent permettre, de manière harmonieuse, le développement d’une culture commune ainsi que, 7) la promotion d’une identité, d’une appartenance et d’une culture nationale québécoise.
Ainsi, d´après Bouchard et d´accord aussi avec Alain Gagnon ce modèle est le mieux placé pour garantir que le dialogue social puisse avoir lieu. Du fait que c´est, parmi les principaux modèles de gestion de la diversité mis en place jusqu’à nos jours, celui qui se centre davantage sur la promotion des interactions et l´intégration sociale sous la prémisse de la garantie de l´égalité d´accès aux ressources.
Réflexion personnelle :
1. C´est très intéressant de tenir en compte le volet du Dialogue social ainsi que souligner le substrat symbolique des interactions dans notre quête à la recherche d´un modèle compréhensif de gestion de la diversité.
À cet égard, je propose lire et travailler sur la voie du dialogue social dans un sens herméneutique. C´est à dire, je suis dans l´avis que s’il y a la possibilité d’intersubjectivité dans l’herméneutique de Gadamer, ce n’est pas à travers l’identification avec l’Autre, ni à travers l’intégration de l’Autre, mais par la création d’un langage temporaire commun qui permet au Soi et à l’Autre de regarder un objet extérieur aux deux, un processus que Gadamer nomme fusion des horizons. Ainsi, étant donné que dans chaque situation d’intersubjectivité, le Soi arrive avec son propre bagage (psychologique, social, culturel et intellectuel), la nature du savoir produit de la rencontre dépend de sa capacité d’articuler un certain niveau de conscience par rapport à sa propre tradition. D´ailleurs, et en suivant la pensée d´Habermas, la communication (et donc on pourrait associer cette communication à l´idée du dialogue social actuel) joue un rôle très important comme voix unifiante dans nos sociétés.
De plus, en en reliant la réflexion de Gadamer sur les préjugés et un des points de l´intervention de Sherry Simon, cette mise en place du dialogue social devrait être menée compte tenu de l´existence des différences qui vont toujours rester comme des différences entre le nous et l´autre. Plus encore, d´accord avec la réflexion de Sherry on ne peut pas prétendre d´effacer les différences ni de voir l´autre comme une projection du soi, bien au contraire il est nécessaire de savoir vivre la différence.
2. Je pense avoir finalement compris le critère sous lequel Bouchard construit son modèle type des paradigmes. D´après moi, il a pris le critère selon lequel au niveau politicojuridique les groupes existant dans une Nation sont reconnus. Donc, la logique est la suivante :
– Paradigme de la diversité : ce sont les nations où la loi exprime et reconnaît que la société est formée par un ensemble d´individus (modèle d´inspiration républicaine). Ex. Le Canada.
– Paradigme de l´homogénéité : correspond aux nations dont au niveau de la sphère publique la loi considère qu´il existe qu´un seul groupe national. Ex. La France.
– Paradigme de la bi ou multi polarité : ce sont les nations où la loi reconnaît la présence de différents groupes nationaux à l´intérieur de la même Nation. Ex. La Suisse ou la Belgique.
– Paradigme de la mixité : ce sont les nations où les dispositions juridicopolitiques sont orientées à la reconnaissance d´un seul groupe issu du mélange des différentes origines nationales. Ex. Le Brésil.
– Paradigme de la dualité : ce sont les nations qui reconnaissent à travers de la loi et/ou des mesures politiques que la société est conformée de deux groupes dont une représente la majorité et l´autre l´ensemble des minorités présentes dans le territoire national.
3. L´approche de Bouchard sur l´intégration et sur la construction de l´identité, ça me fait penser au modèle « four-fold ». Car quand il parle du côté perméable et du côté ancré de l´identité, il la raison sous la logique du choix individuel ; c´est à dire, su choix individuel de chacun à garder leur culture ou s´adhérer à cela de l´autre. De plus, il rentre en contradiction entre cette vision et son discours par rapport à l´importance d´effacer les inégalités et lutter contre la discrimination comme bases pour l´intégration.
4. Je pense que j´ai compris pourquoi j´ai été toujours attirée par la pensée de Ted Cantle. En effet, c´est qui m´attire de son discours « cosmopolite », c´est le fait que je l´associe à la conception républicaine et à l´idée de citoyenneté. Car, d´après moi, la reconnaissance de différences et le vivre ensemble dans ces différences doit aller ensemble avec la promotion de l´égalité civique et politique (participation publique de tous les citoyens qui conforment la société) ainsi que socio-économique.
D´ailleurs, en revanche à la pensée de Bouchard, je suis dans l´idée que l´interculturalisme comme modèle de gestion de la diversité peut être mis en place avec le même taux de réussite dans d´autres sociétés qui se sont construites à partir des paradigmes différents à celui du dualisme.